Déclaration sur
l’identité et l’avenir de l’Archevêché
préparée par le Conseil
de l’Archevêché au cours de l’année 2012, présentée et amendée en Assemblée
pastorale de l’Archevêché, le 1er novembre 2012
1.
L'Archevêché est un
diocèse multiethnique (ou multiculturel) dont les paroisses sont présentes sur
le territoire d’un grand nombre de pays d'Europe Occidentale (France,
Grande-Bretagne, Irlande, Belgique, Pays-Bas, Norvège, Suède, Danemark,
Allemagne, Italie, Espagne). L'Archevêché se trouve depuis 1931 sous l'omophore
du Patriarcat Œcuménique au sein duquel il dispose du statut d’Exarchat pour
les paroisses de tradition russe en Europe Occidentale. Les communautés qui le
constituent sont de taille souvent modeste, mais elles sont vivantes, et
s'efforcent d'être animées par un authentique esprit fraternel et tentent de
vivre une tradition commune qui s’exprime dans la manière d'être en Eglise, de
célébrer la liturgie, de faire de la pastorale, en donnant la priorité à l’esprit
sur la lettre, de concevoir un témoignage ouvert dans la société où le Seigneur
a appelé ses membres à vivre.
2.
En ce qui concerne son
administration et celle des paroisses qui le constituent, l'Archevêché met en
œuvre de façon active et réelle les dispositions du Concile de l'Eglise russe
de 1917-1918 (connu comme le Concile de Moscou) dont il est l’une des seules
entités ecclésiales issues de la tradition russe à appliquer les principes
(avec l'Orthodox Church in America et le diocèse de Souroge, en Grande-Bretagne,
à l’époque du métropolite Antoine). Cette fidélité et les conséquences qui en
découlent sont très concrètes. Les paroisses sont pleinement responsables de
leur vie et de leurs activités dans une relation de confiance avec l'autorité
canonique représentée par l'Archevêque qui personnifie le lien entre elles et
assure la communion entre l’Archevêché et les autres diocèses orthodoxes.
3.
Les clercs et les
laïcs sont étroitement associés à la vie et l’administration des paroisses
comme du diocèse, car chaque baptisé est appelé au service de l’Eglise. Le
principe électif s’applique à l’archevêque et au Conseil diocésain élus par
l’Assemblée diocésaine, aux délégués laïcs des paroisses à l’Assemblée
diocésaine ainsi qu’aux membres des Conseils paroissiaux élus par les
Assemblées paroissiales mais ce n'est pas le cas des prêtres qui sont ordonnés
et nommés par l'Archevêque après avoir recueilli l'avis des instances
appropriées. La consultation de tout l’organisme ecclésial implique
un partage des responsabilités, dans le souci de faire vivre l’esprit de la « sobornost’ »
(conciliarité) qui est l’essence même de la vie entre les membres de l’Eglise à
l’image de la communion entre les Personnes de la Sainte Trinité.
4.
Du fait des
circonstances historiques, l’Archevêché s'est trouvé dans une situation
complètement nouvelle : une large autonomie dans son fonctionnement interne, à
l’exception de la nécessaire élection canonique des évêques auxiliaires par le
Saint Synode du Patriarcat de Constantinople, et une situation d’entière
liberté sans persécution de l’Etat – voire parfois avec un certain soutien de
l'Etat sans interférences comme en Belgique – ni ingérences des puissances de
ce monde. Cette autonomie et cette liberté face à toute forme de dépendance
constituent, sans doute, le don le plus précieux qu'il faut préserver. Il
permet de bâtir, ici et maintenant, l’Église du Christ.
5.
La fidélité à l’héritage
des pères s'inscrit aussi dans la conviction que la foi orthodoxe ne
saurait se limiter à la dimension d’une culture nationale (étatique) à laquelle
on voudrait parfois la réduire, mais qu’elle constitue un message de portée
universelle. L'Archevêché est redevable au mouvement de renaissance religieuse
russe du début du XXe siècle, continué et poursuivi dans
l’émigration, notamment à l'Institut Saint-Serge, à travers le renouveau
liturgique et l'affirmation d'une ecclésiologie qui renoue avec la vision des
Pères. Cette conscience théologique transmise par les maîtres de « l'école de
Paris » est une caractéristique essentielle de l'Archevêché qui implique la
participation accrue des fidèles à la vie liturgique et paroissiale, la
pratique de la communion fréquente, le développement d’une diaconie après la
liturgie.
6.
Le rattachement
canonique de l'Archevêché s'appuie sur la conviction profonde que la
juridiction d'une Eglise orthodoxe se définit par sa dimension territoriale, et
non par la nationalité de ses fidèles ou l’attachement à leur Eglise d’origine.
L’Archevêché a connu des évolutions. Mais, dans la recherche de sa voie,
l’Archevêché a toujours eu le souci de trouver un fondement canonique solide.
Aujourd’hui, pour l'Archevêché, le lien de communion avec l'Orthodoxie
universelle est assuré par le Patriarche Œcuménique, « premier parmi les égaux
» au sein des primats de l’Eglise orthodoxe.
7.
L'histoire de
l'Archevêché créé par le Saint Patriarche Tikhon et confié par lui au
Métropolite Euloge est profondément liée à celle de l'émigration russe. Il en
est, en effet, le fruit le plus précieux et le plus durable. Au début des
années 1920, des centaines de milliers de Russes, chassés de leur patrie par la
tourmente révolutionnaire consécutive au coup d’État bolchevique, trouvèrent
refuge dans différents pays d’Europe Occidentale. Pour beaucoup d'entre eux,
cet exil forcé fut aussi le moment favorable à une conversion au Christ : les
épreuves avaient contribué à ouvrir les cœurs de certains à une foi authentiquement
vécue, tandis que d’autres, dans leur détresse, étaient revenus vers le Christ
ou avaient découvert en Lui la seule voie de salut.
Dès
les débuts de l'émigration, s'est posée la question du sens de l'exil pour ces
milliers de chrétiens orthodoxes russes dispersés de par le monde. Si tous
restaient attachés à la mémoire de la Russie perdue, certains très tôt
estimèrent qu'ils étaient aussi appelés à rendre témoignage de l'Orthodoxie en
Europe Occidentale, aux côtés des autres confessions chrétiennes installées ici
déjà depuis plusieurs siècles. La prise de conscience de cette mission par les
participants actifs de la vie de l’Eglise s'est faite progressivement et
diversement selon les pays d'implantation: ainsi en Grande Bretagne où
l'Archevêché avait été présent pendant vingt-cinq ans, du début des années 20
au milieu des années 40, les nombreuses communautés, formées pour l'essentiel
de convertis grâce au témoignage du Métropolite Antoine de Souroge restèrent
sous la juridiction du Patriarcat de Moscou jusqu'en 2008. D'autres
communautés, partout en Europe, se créèrent aussi grâce au dévouement et à
l'engagement de personnes découvrant la vie en Christ dans l'Orthodoxie sans
avoir de racine "orientale". Les assemblées générales de l’Archevêché,
depuis celle de 1949 jusqu’à aujourd'hui, ont toutes réaffirmé, d’une façon ou
d’une autre, cette même et unique orientation, la nécessité de mettre en place
en Europe Occidentale une structure ecclésiale unique conforme à la tradition
de l'Église qui exige de n'avoir qu'un seul évêque en un seul lieu.
8.
Mais l'Archevêché ne
renie pas et n'oublie pas ses racines. Il conserve un lien de respect et
d’amour à l’égard de l’Eglise de Russie et de sa tradition liturgique et
spirituelle. Il partage la souffrance qu’elle a subie dans l’épreuve du martyre
au cours du 20e siècle, et se réjouit de voir aujourd’hui cette Eglise, sortie
particulièrement meurtrie par quatre-vingts ans de persécutions, emprunter le
chemin du renouveau. Les motifs qui avaient abouti au début des années 1930 à
la rupture entre l’Archevêché et le Patriarcat de Moscou sont certes
aujourd’hui historiquement dépassés. Mais il est une voie pour ceux qui sont
restés en Russie et il en est une autre pour ceux qui se trouvent appelés par
le Seigneur à témoigner ici. Ces deux voies différentes se rencontrent et se
révèlent en tant qu’unique et même voie de fidélité à la Vérité du Christ et
d’accomplissement de la nature authentique de Son Église. La poursuite de cette
voie s’est accompagnée d'initiatives de soutien aux chrétiens de Russie, sans
doute modestes mais significatives, dans le domaine de la transmission de
livres religieux (interdits à cette époque en Union soviétique), de la
diffusion d’émissions radio de catéchèse en langue russe et de campagnes pour alerter
l'opinion publique occidentale sur les persécutions dont étaient victimes les
croyants en URSS.
9.
La liberté pour les
peuples d’Europe de l’Est et les réalités nouvelles qui en découlent pour leurs
Eglises, tout comme la mondialisation et la circulation des individus et de
l’information, ont eu des répercussions sur la vie tant ici, en Europe
Occidentale, que dans le reste de l’Orthodoxie, en général. Tout en maintenant
son attention pastorale pour les fidèles issus de la première vague de
l'émigration qui en sont à la troisième et quatrième générations, l'Archevêché
doit prendre en compte aujourd’hui l'arrivée de nouveaux venus en provenance
d'Europe orientale, en cours d’intégration et qui ont pu connaître une culture
ecclésiale différente. Il est de son devoir de les accueillir et de leur faire
partager son expérience vécue de la foi orthodoxe. La préoccupation pastorale
pour les enfants et petits-enfants des immigrants récemment arrivés rentre
aussi dans les tâches de l'Archevêché. Ces jeunes gens et jeunes filles, nés et
complètement intégrés dans les pays d'Europe Occidentale, trouvent souvent dans
nos églises multiethniques et pluriculturelles un environnement favorable qui
les conduit à ne pas abandonner une foi et une église qu'ils ressentaient souvent
comme "étrangères".
10.
L'existence de
l'Archevêché offre la possibilité de créer et de faire vivre en l’Eglise des
communautés libres de toutes ingérences de forces extérieures à l’Eglise. Ces
communautés sont pleinement intégrées dans la réalité des sociétés de l'Europe
Occidentale, sans que cela ne signifie pour autant l’abandon de la tradition
dont elles sont issues. Elles partagent la même foi, tout en pouvant célébrer
leur liturgie dans des langues différentes, qu’il s’agisse du slavon ou des langues
locales. Si les communautés paroissiales sont généralement propriétaires de
leurs lieux de culte, elles sont néanmoins dénuées de moyens financiers
importants, ce qui conduit le plus souvent leurs prêtres à avoir un emploi en
dehors de l'Eglise.
11.
Vivant dans des
contrées où l'Orthodoxie est minoritaire, les communautés de l'Archevêché
établissent, entretiennent et développent des relations fraternelles avec les
communautés chrétiennes d'autres confessions, dont elles reçoivent parfois aide
et soutien. Elles participent souvent, à l'instar du métropolite Euloge, au
dialogue œcuménique et aux prières pour l'unité des chrétiens, et créent des
liens au niveau des communautés paroissiales tout en donnant un témoignage de
service commun dans la société.
12.
Voilà plus de six
décennies que l’Archevêché a invité les autres juridictions présentes en Europe
Occidentale à bâtir, tous ensemble, une Eglise orthodoxe localement unifiée.
Dès à présent, et conformément aux modalités approuvées par la Commission
panorthodoxe préconciliaire, l'Archevêché participe à l’édification d’un
service et d’un témoignage orthodoxes communs au sein de différentes Assemblées
des évêques orthodoxes dans les contrées où il est représenté. Son Archevêque
participe à toutes les Assemblées des pays où sont implantées ses paroisses et
se réjouit avec tous les fidèles de la possibilité de prier ensemble dans un
esprit d'authenticité et de liberté. L’Archevêché partage avec tous la
certitude que les différences d’origines et de traditions tout comme
l'attachement naturel aux cultures d’origine ne doivent pas être des barrières
à la vocation commune qui est d’œuvrer, avec l’aide du Seigneur, à l’émergence
d’une Orthodoxie localement unifiée.
13.
L’Archevêché entend
contribuer à l’enracinement de tous les orthodoxes en Eglise, en ayant
conscience que l’organisation de la vie ecclésiale en un même lieu ou sur un
même territoire n’est pas un problème « administratif » ou d'«accord entre les
Eglises-mères », mais avant tout un problème d’existence même de l’Eglise une,
intégrée pleinement dans la réalité locale. C’est ainsi que l'Archevêché entend
participer à l’édification d’une Eglise localement unifiée, fidèle à ses
sources, tout en restant missionnaire conformément au commandement du Seigneur
"d’aller enseigner toutes les nations".
14.
L’Archevêché appelle
de ses vœux la présence de représentants des communautés de la « diaspora
orthodoxe » dans le processus conciliaire afin de tenir compte de leur
expérience spécifique. Il espère que le futur Concile panorthodoxe transformera
les différentes Assemblées des évêques orthodoxes en de véritables Synodes
locaux, habilités à exercer le service pastoral des communautés et des fidèles,
à régler les différends entre les diverses « juridictions » jusqu’à leur
unification à terme et à décider ensemble de l'établissement de nouvelles
communautés.
15.
Les membres de
l'Assemblée pastorale et du Conseil de l'Archevêché réunis à Paris invitent
tous les fidèles de l'Archevêché à s'engager, loin des tentations du pouvoir et
de l'argent, avec témérité et détermination, dans la seule vie qui mérite
d'être vécue, une vie de service du Christ en dehors duquel il n'y a point de
salut. L'action vivifiante de l'Esprit Saint les soutiendra et les aidera à
trouver leur voie.
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