«Simon, fils de Jonas,
m’aimes-tu?»
Depuis quelques semaines,
le site internet de l’Archevêché présente le curriculum vitae de chaque candidat à l’archiépiscopat dirigeant.
La notion de curriculum
vitae n’apparaît pas dans les statuts de l’Archevêché ou dans les sources
canoniques de l’Église orthodoxe. Elle ne constitue pas, pour autant, une
entorse à la Tradition, mais révèle néanmoins le «portrait robot» du candidat
idéal que se figurent les concepteurs de ce modèle
de c.v.
Derrière les renseignements
objectifs que donnent sur leur vie les trois candidats, il faut lire
également les critères subjectifs des rédacteurs du modèle de c.v. qui,
en quelque sorte, constitue une forme de questionnaire.
Au-delà des renseignements
fournis par les candidats, la notion de c.v. normalisé pose aussi la
question des silences du questionnaire.
N’y avait-il – n’y aurait-il – pas d’autres questions à poser à nos frères
candidats dont l’un deviendra, sous peu, l’archevêque dirigeant des Églises
orthodoxes russes en Europe occidentale?
Pour une carrière sportive,
le c.v. reprendrait naturellement des caractéristiques physiques que l’on ne
s’attend pas nécessairement à voir dans le c.v. d’un homme politique ou d’un
employé du secteur privé…
Quels sont les critères que
la tradition ecclésiale a mis en avant pour l’élection de ses pasteurs?
Sans prétendre exposer ici
la théologie de l’Église sur l’élection des ministres ordonnés, nous proposons
deux mises au point.
Tout d’abord, il convient
de se rappeler que l’évêque est, avant tout, le pasteur par excellence de la
communauté ecclésiale qui lui est confiée. C’est donc la qualité pastorale qui
est le premier élément à considérer, dans l’élection épiscopale. En ce sens,
les rédacteurs du c.v. normalisé ont certainement eu raison d’omettre cette
rubrique; en effet, il est probablement impossible de faire état de son sens pastoral, surtout si l’on doit
soi-même le mettre en avant! L’expérience pastorale est une chose, la manière
dont on s’en est acquitté en est une autre.
Dès lors, le témoignage de
tierces personnes s’avère nécessaire pour se faire un avis sur le sens pastoral intrinsèque à l’expérience pastorale.
À la lecture du modèle de
curriculum vitae proposé aux candidats, une deuxième mise au point s’impose. Dans
la vie en Christ, nous sommes tous sur un chemin long et ardu; certains Pères
ont comparé l’ascension vers le Seigneur à la montée d’une échelle (cf. S. Jean
Climaque). Dans l’ascension vers le Seigneur, c’est la direction dans laquelle on va qui importe, non la position dans laquelle on se trouve. Aux
yeux du Seigneur, l’origine d’une personne importe peu, donc elle devrait
importer peu aux yeux des fidèles du Christ que nous sommes appelés à être.
En revanche, l’ultime
échelon de l’Échelle Sainte, selon Jean Climaque, est l’amour. C’est un critère
encore plus difficile à modéliser dans un curriculum vitae. C’est pourtant la
seule question que le Seigneur ressuscité a posée à Pierre, au moment de son
appel à devenir pasteur: «Simon, fils de
Jonas, m’aimes-tu? (…) Pais mes brebis» (Jean 21).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre commentaire. Nous le traiterons dans les meilleurs délais.