- Des exemples de "temporaire" dans l'Église
De février 1931 à novembre 1965, soit pendant près de 35 ans, l'Archevêché constituait un Exarchat temporaire du Patriarcat oecuménique.
Depuis 1928, soit depuis 85 ans, les diocèses de Grèce du Nord (Macédoine et Thrace), qui dépendent canoniquement du Patriarcat oecuménique, sont administrés temporairement par l'Église autocéphale de Grèce.
Beaucoup de mesures qui attendent une résolution définitive au futur Saint et Grand Concile de l'Église orthodoxe sont qualifiées aujourd'hui de temporaires.
À l'échelle d'une vie humaine, certains naissent et meurent, sans avoir jamais connu d'autre régime que le "temporaire".
- Tome patriarcal et synodal
C’est un document consigné par le Patriarcat œcuménique,
revêtu du sceau patriarcal, de la signature du Patriarche et de la co-signature
des membres du Saint-Synode.
Parmi les types de document qui traitent de
l’organisation de l’Église, un tome (tomos,
en grec) est le document dont l’autorité est la plus haute.
C’est sur un tome patriarcal et synodal qu’est fondée,
en droit canon, l’autocéphalie ou l’autonomie des Églises orthodoxes répandues
de par le monde.
Ce sont des tomes patriarcaux et synodaux qui fondent
le statut canonique des diocèses respectifs du Patriarcat œcuménique en Europe occidentale.
Pour sa part, l’Archevêché de la rue Daru a connu
plusieurs modes statutaires canoniques, au sein même du Patriarcat œcuménique (après
avoir été, de 1921 à 1931, entité ecclésiale du Patriarcat de Moscou): exarchat
temporaire, fondé par et sur un tome, de 1931 à 1965; archevêché sans lien administratif
avec le siège patriarcal (mais en lien sacramentel constant), de 1965 à 1971;
ensemble de quatre vicariats des diocèses grecs-orthodoxes, coordonnés en un
centre archiépiscopal parisien, de 1971 à 1999; exarchat depuis 1999.
- Au sein du Patriarcat œcuménique de Constantinople, qu’est-ce qu’un exarque?
Initialement
d’origine civile (dans le cadre de l’empire romain), le titre d’exarque, comme
d’autres qualifications ecclésiastiques à consonance civiles (comme celle d’hégoumenos, par exemple) a pénétré la
terminologie de l’Église.
Dans sa plus
ancienne acception ecclésiastique, aujourd’hui obsolète, la notion d’exarque
correspondait à celle de chef de l’Église principale d’une région
ecclésiastique étendue; il
s’agissait, en quelque sorte, de "super-métropolites". Les
évêques d’Antioche ou d’Alexandrie, par exemple, étaient exarques, chacun pour
sa région.
Au cours des
siècles, cette première acception a disparu, au profit de plusieurs autres
significations, toujours en usage aujourd’hui, dans différents contextes.
Dans la situation que vit actuellement l’Archevêché de la rue Daru, y
a-t-il une seule signification du terme d’exarque ou plusieurs? Apparemment,
plusieurs…
De manière
générale, les significations du titre d’exarque sont reliées à la notion de délégation,
par opposition à la notion de juridiction ordinaire.
A. Délégué du Patriarche
1) pour une mission de durée
déterminée
Dans de nombreuses situations, le Patriarche envoie, en son nom,
une délégation d’une ou plusieurs personnes. Ces exarques sont mandatés pour
agir au nom du Patriarche; ils sont donc reçus avec les mêmes honneurs que le
Patriarche, dans le cadre de la mission ad hoc qui leur a été confiée,
et font rapport de leurs faits et gestes directement au Patriarche à leur
retour de mission.
2) pour une durée indéterminée
Beaucoup de canonistes considèrent que le Patriarche œcuménique, comme
premier évêque de l’Église orthodoxe, est chargé, de manière temporaire,
d’administrer le Patriarcat de Rome, en raison de la rupture de communion avec
l’Église de Rome.
Dans cette conception, l’évêque en charge de l’Europe occidentale est
le Patriarche œcuménique lui-même; le Patriarche délègue à d’autres évêques sa
juridiction sur l’Europe occidentale. Ainsi, les métropolites du Patriarcat
œcuménique en Europe occidentale sont tous des exarques patriarcaux.
B. Pasteur en charge d’un territoire
adjacent au sien
Dans ce cas, l’exarque est un pasteur dont la juridiction porte
également sur une zone adjacente à la sienne et dans laquelle il ne réside pas.
Cette juridiction est effective et non honorifique.
Par exemple, la Hongrie pour le Métropolite d’Autriche, les Pays-Bas et
le Luxembourg pour le Métropolite de Belgique ou encore l’ensemble de l’île de
Patmos (Grèce) pour l’Higoumène (Abbé) du monastère de
Saint-Jean-le-Théologien.
C. Aujourd’hui, la signification la plus courante peut
être considérée comme honorifique:
certains évêques de sièges métropolitains (métropolites) sont dits exarques du secteur qui correspond à la zone
d’influence de la ville-mère (métropole) dont ils sont évêques.
Par exemple, le métropolite de Nicée est exarque de toute la Bithynie,
mais cela ne signifie pas que sa juridiction empiète sur celle d’autres évêques
diocésains de la région de Bithynie; ainsi, les métropolites de Nicomédie ou de
Chalcédoine sont-ils tout aussi évêques diocésains que celui de Nicée, et eux
aussi exarques de toute la Bithynie.
Dans l’usage du Patriarcat œcuménique, les métropolites de plein
exercice sont tous exarques d’une région relative à leur titre épiscopal. Les
titres épiscopaux sont toujours distincts les uns des autres (il n’y a pas
deux, mais un seul évêque d’une ville donnée), mais plusieurs évêques sont
parfois désignés exarques d’une même région.
En Europe occidentale, les métropolites du Patriarcat œcuménique portent
tous des titres distincts (actuellement, il y en a neuf), mais peuvent être
appelés exarques d’une même région.
Par exemple, le métropolite d’Italie et Malte est exarque de l’Europe
du Sud, tandis que le métropolite d’Espagne et Portugal est exarque de la Mer
Méditerranée. Le métropolite d’Allemagne est exarque d’Europe centrale, tandis
que le métropolite d’Autriche est également exarque d’Europe centrale. Le
métropolite de Suisse est exarque d’Europe, exactement comme le métropolite de
France (et comme l’archevêque de Crète), également exarque d’Europe.
Des études ecclésiologiques restent à réaliser quant à l’utilité de
perpétuer cet usage de titres honorifiques.
D. Qu’en est-il de l’exarque de l’Archevêché de la rue Daru?
Postérieurement à
la promulgation du Tome patriarcal et synodal de 1999, l’ensemble des
paroisses, monastères, communautés, ainsi que l’Institut Saint-Serge, qui
composent historiquement l’Archevêché dit "de la rue Daru" sont constitués
en exarchat du Patriarcat œcuménique (cf. texte même du Tome).
Cela signifie que
le Patriarche œcuménique, en tant qu’évêque chargé temporairement du Patriarcat
de Rome, a extrait l’Archevêché de la rue Daru de la juridiction des
évêques-exarques (métropolites grecs-orthodoxes) et l’a confié à un autre
exarque du Trône, à savoir l’Archevêque de la rue Daru. Dans son diocèse,
l’Exarque-Archevêque dirigeant de la rue Daru jouit des mêmes prérogatives que
tout évêque diocésain (contrairement à ce qui était le cas entre
1971 et 1999).
Dans cette
acception particulière, fondée sur un texte de la plus haute autorité (Tome
patriarcal et synodal), un Exarque-Archevêque dirigeant ne peut pas être
désigné sans élection par le Saint-Synode, faisant suite à une proposition
d’élection par l’Assemblée clérico-laïque statutaire de l’Archevêché.
Le Patriarche
œcuménique, dans sa lettre
du 4 mars 2013, propose que le Métropolite Emmanuel de France "continue d’assumer ses tâches et
responsabilités" en qualité d’Exarque patriarcal; cela ne peut, en
aucune manière, être assimilé à la notion d’exarque du point D, mais
uniquement au point A.
En effet,
concevoir que le Métropolite de France puisse cumuler ses fonctions avec celles
d’Exarque-Archevêque dirigeant au sens du Tome de 1999 reviendrait à accepter
qu’un évêque puisse être à la tête de deux Églises. En ecclésiologie orthodoxe,
il serait inconcevable qu’il en soit ainsi, sauf si l’on modifie le Tome et les
Statuts de l’Archevêché, au sens de l’abolition du caractère diocésain unifié
de l’Archevêché de la rue Daru.
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