Assemblée Générale Extraordinaire du 7 septembre 2019




L'enjeu

Pour l'archevêque Jean, le Père Jean Gueit, et leurs partisans, c'est de rejoindre le Patriarcat de Moscou.
Pour un certain nombre de fidèles et de prêtres, dont la majorité du Conseil d'administration (appelé aussi conseil de l'archevêché, conseil diocésain, CA), c'est renouer un dialogue avec le Patriarcat œcuménique, et en cas d'impossibilité , rechercher une voie canonique de secours   ( Patriarcat de Roumanie, d'Antioche ...)

Convoquer ou ne pas convoquer une AGE?

L'AGE a été autoritairement convoquée par l'archevêque, soutenu par quatre des membres du CA, dont le vice-président et le secrétaire, et contre l'avis des huit membres restants, qui considéraient cette consultation comme prématurée (voir lettre du 28 juin), la date malvenue, car trop proche de la fin des vacances d'été, pendant lesquelles les communications étaient réduites ou inexistantes.
En outre, le texte de la convocation n'indiquait pas le but de la consultation, l'AGE étant invitée à "discuter de l'avenir de l'archevêché". Cette discussion aurait pu à la rigueur avoir sa place dans une AGO.

Drame en 4 actes

Acte I

Après un office d'actions de grâces, mise en place du bureau de l'assemblée et annonce du programme de la séance.

Acte II
Introduction, interventions, pause déjeuner.

Acte IIII

Reprise des débats et vote.

Acte IV

Résultats et conclusions.

Les personnages

L'archevêque Jean Renneteau, président de droit de l'Assemblée

L'archiprêtre Jean Gueit, vice-président du conseil d'administration, désigné par le président comme premier vice-président de l'Assemblée Générale Extraordinaire.

Mme Elisabeth von Schlippe, seconde vice-présidente.

M. Jean-Claude Polet, modérateur, pressenti lors du dernier CA du 30 septembre 2019.

Le peuple des clercs et des laics  ayant répondu à la convocation (parmi lesquels les membres du CA), au nombre de 186.

Un huissier de justice invité pour témoigner du bon déroulement de la séance.

I

Courte allocution de l'archevêque Jean qui réaffirme sa légitimité puisqu'il n'a pas sollicité le congé canonique que lui a octroyé le Patriarcat de Constantinople, et rappelle que l'instant est grave.
Il annonce la constitution du bureau "tel que choisi par le CA".
Contestation de certains membres du CA, protestations de la salle, qui rappelle les règles de désignation des vice-présidents et demande une élection à bulletins secrets, proposant le nom d'un autre prêtre comme premier vice-président.
Il est à noter que le service des micros-baladeurs pour la salle, habituellement par quelques jeunes gens agiles, ne l'est que par une seule personne, qui se montre extrêmement réticente, forçant les intervenants à crier de leur place, sans pour autant être entendus, et qui permet à l'archevêque de répéter plusieurs fois "qu'est-ce qu'il a dit, qu'est-ce qu'il a dit ? Je n'ai rien compris". Il en sera ainsi tout au long de la séance.

L'archevêque Jean, agacé, parle d'obstruction volontaire en vue d'empêcher la tenue de l'assemblée.
Ce reproche sera repris et décliné par le vice-président et les partisans actifs du rattachement au Patriarcat de Moscou, chaque fois que seront dénoncées de flagrantes violations des règles et des statuts. Les "perturbateurs" seront qualifiés de procéduriers.

L'archevêque tente pour la première fois d'en appeler directement au "peuple", c'est à dire à l'Assemblée, en l'invitant à voter à main levée pour approuver le bureau. Protestations dans la salle. L'incident est clos autoritairement.

Nicolas Lopoukhine, secrétaire du CA et membre de la commission des mandats, est alors invité à indiquer le nombre des délégués présents. Le quorum est atteint.

De la salle fusent des questions, concernant ceux qui n'ont pas été invités. Il est fait lecture de la lettre du Père Peter Sonntag de Düsseldorf. Sont évoqués les prêtres scandinaves, Nicolas Lopoukhine explique que ces prêtres ont quitté l'archevêché depuis l'AGE du 23 février et n'en font donc plus partie.
Il est rappelé que pour une radiation, il faut une décision après audition du prêtre et des représentants de la paroisse concernée. Cette procédure n'a pas été respectée. Le secrétaire  répond que Mgr Jean en a régulièrement parlé lors des conseils diocésains
C'est exact, mais il s'en est servi comme d'une menace : "regardez, les prêtres nous quittent, il y en a d'autres qui vont partir !!!" et non pour demander l'avis du conseil.

Le Père Jean Gueit annonce que l'Assemblée va devoir voter sur la seule proposition concrète, celle du représentant du Patriarcat de Moscou, le métropolite Antoine Sevriuk, les autres pourparlers n'ayant pu aboutir. Il rappelle que les personnes désireuses d'intervenir devront s'inscrire au préalable et qu'il leur sera accordé 5 minutes pour parler. Il ne s'agit pas de débattre, mais d'exprimer une opinion.

II

Après intervention de l'archevêque Jean qui martèle son argument favori : "nous allons devoir choisir entre la Vie (rattachement à Moscou) ou la Mort..." et présente la vision tragique des paroisses isolées, laissées à elles-mêmes et privées de canonicité, le Père Jean Gueit, interpellé sur le texte du métropolite Antoine Sevriuk  qui doit servir de base pour un vote, explique qu'il s'agit d'une espèce de Tomos, une "gramota" qui contient les éléments pour une discussion ultérieure.
Nous devrons donc voter sur un projet qui n'est pas abouti!

Suivent les interventions d'une trentaine de personnes. Une notable majorité exprime ses réticences, détaillant des aspects inquiétants ou inacceptables du projet soumis à leur vote.

Les intervenants favorables au projet invoquent le lien naturel, historique, sentimental, à l'Église de Russie. Mais la plupart d'entre eux insistent sur leur confiance filiale pour leur pasteur.

Le modérateur veille avec fermeté à n'accorder à chacun que le temps imparti, et à empêcher les manifestations bruyantes des supporters de l'archevêque (applaudissements, cris, huées) dont ils sont coutumiers. Il y parvient globalement à l'exception de quelques débordements.

L'archevêque et le premier vice-président sont invités à conclure. Le Père Jean Gueit rappelle le désir exprimé par une grande majorité de délégués de l'AGE du 23 février de conserver l'unité de l'archevêché , et l'ovation faite à Mgr Jean.

La tonalité générale de l'intervention a pour but de mettre en garde contre la prise en otage de l'Assemblée par le CA. Seule l'Assemblée est souveraine, pas le CA, qui n'a pas le pouvoir. Véhémente intervention du "canoniste" le Père Jivko Panev "L'Église n'a rien à faire d'une majorité parlementaire, c'est le peuple qui décide".

III

Après le repas, l'archevêque invite à procéder au vote. Il affirme que le CA le 30 août dernier s'était prononcé sur le choix des questions à poser:
1. rattachement ou pas au PM.
2. poursuite ou pas des pourparlers avec le PO
3. mise en pratique des propositions du Père Georges Ashkov.

Mais pour lui, les questions 2 et 3 ne sont plus d'actualité, le Phanar persistant dans sa décision du 28 novembre (il oublie de dire au passage qu'il a tout fait pour que ces négociations n'aient pas lieu), et le Père Georges ayant retiré son projet.

Le Père Jean Gueit explique alors qu'un bulletin de vote comportant les trois points a bien été prévu. Un membre du CA lui fait remarquer qu'il est absurde d'avoir à choisir entre trois options dont deux ont été supprimées. Le Père Jean annonce qu'ils ont préparé un second bulletin, ne comportant que la question N°1.

Le Père Christophe D'Aloisio , membre du CA, demande la parole. L'archevêque la lui refuse, au prétexte qu'il s'est déjà exprimé, et rejette toute question de procédure, en des termes violents, accusant le Père Christophe de perturber depuis des mois le travail du CA  avec ses questions procédurières. Quelques membres se lèvent pour appuyer la demande du Père Christophe. Le Père Alexandre Fostiropoulos, membre du CA lui aussi, réaffirme le désaccord d'une majorité des membres du CA avec l'option de l'archevêque et du Père Jean Gueit, l'opacité des négociations avec le Patriarcat de Moscou, l'étouffement systématique de toute autre tentative de négociation.

Les noms des quatre scrutateurs sont rapidement approuvés et l'on passe au vote.

IV

Résultat du vote : oui : 58,1%, non 41,9 %. Les 2/3 des votes exprimés requis pour l'adoption de la proposition de passage à Moscou ne sont pas atteints . Un grand silence accueille ce résultat. L'archevêque se lève, dit l'accepter, mais déclare se rattacher au Patriarcat de Moscou avec les paroisses qui voudront le suivre, entraînant l'archevêché. Il prévoit  une nouvelle AGE pour entériner ce choix.

Vives protestations dans la salle. Il est fait appel de nouveau au peuple, lui proposant de voter à main levée. Ce qui est totalement inacceptable, un vote régulier venant d'avoir lieu.  L'archevêque semble se rendre à la raison et déclare vouloir partir, avant de se rasseoir. Une seule voix fuse dans les premiers rangs pour l'en dissuader : "Non!"

Les débats sont ré-ouverts : plusieurs interventions d'ordre statutaire, une intervention confuse du "canoniste", certaines sérieuses, d'autres fantaisistes, comme celle, tonitruante,  du prêtre d'origine moldave  Basile Sevciuk, prêt , si on l'en croit, à mobiliser dix mille Moldaves autour de l'église de la rue Daru, pour entraîner l'archevêché à Moscou !

L'archevêque reprend le micro, dit ne pas vouloir nous abandonner, et s'apprêter à commémorer à la liturgie du lendemain le patriarche Bartholomée, en attendant de faire savoir lundi sa décision.

Le drame s'achève sur l'image d'une vieille dame qui s'approche de la table du bureau, s'appuyant sur une béquille , se voit refuser la parole, et, avec son bel accent du midi,  répète désespérée à l'archevêque et à Jean Gueit, qui font mine de ne pas l'entendre : "Vous devriez avoir honte!".

Rideau

Alexis Obolensky, 9 septembre 2019


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