Compte rendu de l’Assemblée Générale extraordinaire de l’Archevêché qui s’est tenue le 7 septembre 2019 à Paris

(texte établi par les représentants de la paroisse Saint Serge à Paris, il ne s’agit pas d’un communiqué officiel ni de l’Administration diocésaine, ni de la Paroisse Saint Serge.)
L’Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) s’est tenue dans l’église du couvent des Frères dominicains, le samedi 7 septembre dernier, dans une atmosphère très tendue, parfois confuse, même si les interventions des uns et des autres, souvent très contradictoires, ont, dans l’ensemble, gardé la retenue qu’il convenait à ce débat. Sur décision unanime du conseil diocésain un huissier a assisté à toute la séance et prenait des notes sténographiques.
Après la célébration d’un court office d’intercession, à 9h30, Mgr l’archevêque Jean de Charioupolis ouvre l’assemblée, en annonçant que la lettre de congé qui lui avait été envoyée par le patriarche œcuménique Bartholomée le 30 août dernier n’était, selon lui, pas valable, car il ne l’avait pas demandée, qu’il était toujours évêque dans la juridiction du Patriarcat de Constantinople et que donc il restait encore le président de l’ « Union directrice des associations cultuelles russes en Europe occidentale » (nom de l’Archevêché devant ses statuts civils de droit français) et en conséquence pouvait présider la présente AGE.
En préambule, un point de contestation a été soulevé par rapport à l’application des statuts de l’Archevêché, dans la mesure où Mgr Jean propose alors d’approuver la désignation du bureau de l’assemblée avec l’archiprêtre Jean Gueit et Mme Elizabeth von Schlippe comme, respectivement, premier et deuxième vice-présidents. Quelques délégués font valoir que, d’après les statuts, les vice-présidents doivent être désignés par un vote de l’assemblée. Mgr Jean affirme que la décision de désigner ces deux vice-présidents a été prise à l’avance lors d’une réunion du Conseil diocésain. Plusieurs membres du Conseil diocésain prennent la parole pour déclarer que cela n’est pas exact. La candidature de l’archiprêtre Wladimir Yagello est proposée par des délégués pour le poste de premier vice-président. Mgr Jean fait voter à main levée, malgré les protestations d’une partie de l’assemblée qui demande de pouvoir départager les deux candidats par un vote à bulletins secrets. M. Nicolas Lopoukhine, secrétaire du Conseil diocésain, intervient pour dire que cela ne s’est jamais fait lors des précédentes assemblées. L’incident de procédure est clos et le bureau est composé comme proposé initialement.
Mgr Jean enchaine immédiatement avec un discours d’introduction dans laquelle il indique que l’assemblée de ce jour revêt un caractère « historique » car elle doit « décider de la vie ou de la mort », les membres de l’assemblée ont à choisir entre la survie de l’Archevêché ou sa disparition et, d’après lui, il n’y a qu’une seule solution pour permettre à l’Archevêché de continuer à vivre et de remplir sa mission, c’est se placer dans la juridiction du Patriarcat de Moscou, les différentes autres pistes qui ont pu être évoquées ces derniers mois ne sont pas réalisables et la récente décision du patriarche Bartholomée de lui donner une lettre de congé canonique et de nommer à sa place le métropolite Emmanuel comme locum tenens montre qu’il n’y a rien à attendre de Constantinople. Mgr Jean souligne que les membres de l’assemblée ont donc à faire leur choix, lui n’a pas demandé à être là ni à diriger l’Archevêché, c’est aux membres de l’assemblée de décider.
Après le discours de Mgr Jean, M. Nicolas Lopoukhine annonce les constatations de la commission des mandats (chargée de tenir la feuille de présence à l’assemblée) : 246 convocations ont été envoyées, 176 délégués sont présents (à 10h30), donc le quorum est atteint et l’assemblée peut statuer de manière valide, quelques délégués retardés dans les transports vont encore arriver plus tard, précise-t-il.
Plusieurs délégués posent alors une série de questions sur les modalités de préparation de l’AGE :
1) Mgr Jean a décidé que les paroisses dont le recteur lui avait demandé une lettre de congé ne devaient pas être convoquées à l’assemblée. Or, d’après les statuts de l’association, une paroisse est radiée lorsqu’elle en fait la demande formelle, la demande est reçue par le Conseil diocésain qui procède à la radiation après avoir convoqué les recteurs et le marguillier. Cette procédure n’a été appliquée pour aucune des paroisses concernées, elles auraient donc dû être convoquées.
2) Des paroisses qui se considèrent encore dans l’Archevêché n’ont pas reçu de convocation. C’est le cas de la paroisse de Düsseldorf (Allemagne). Il est donné lecture d’une lettre de son recteur l’archiprêtre Peter Sonntag, en date du jeudi 5 septembre, qui se plaint à l’Administration diocésaine de ne pas avoir reçu d’invitation. M. Nicolas Lopoukhine précise que l’Administration diocésaine avait reçu de fausses informations comme quoi le p. Sonntag avait quitté l’Archevêché, après sa lettre les choses ont été rectifiées et des convocations lui ont été envoyées, mais elles sont arrivées trop tard pour que la paroisse de Düsseldorf soit représentée.
3) Les délégués des paroisses du Royaume-Uni protestent car le texte émanant du Patriarcat de Moscou et sur lequel il va falloir se prononcer lors de cette AGE n’a été publié qu’à la mi-août, ce qui n’a pas laissé le temps de l’analyser dans les détails avec toute l’attention nécessaire. De plus, ce texte n’a pas été envoyé en anglais, ce qui a empêché les délégués des paroisses du Royaume-Uni d’en prendre vraiment connaissance. Mgr Jean répond qu’il ne faut pas tout attendre de l’Archevêché qui n’est pas là pour « mâcher le travail », il faut faire un effort dans les paroisses pour se débrouiller et traduire les textes.
4) La convocation à l’AGE indiquait qu’à l’ordre du jour était fixée une « discussion sur l’avenir de l’archevêché », mais maintenant on nous parle de procéder à un vote sur le document contenant les propositions du Patriarcat de Moscou en vue d’une intégration de l’Archevêché dans sa juridiction. La question est posée par certains à savoir s’il est légitime, voire même légal, de devoir voter pendant cette assemblée sur un texte précis, alors que cela ne figurait pas à l’ordre du jour sur la convocation ?
La parole est donnée ensuite à l’archiprêtre Jean Gueit qui rappelle brièvement le déroulement des événements survenus après l’annonce de la décision du patriarche Bartholomée, le 27 novembre 2018, de mettre fin à l’Exarchat, et tout le travail mené depuis pour sortir de la situation nouvelle ainsi créée. Il explique le déroulement de la journée et ce sur quoi il faudra se prononcer, à savoir les propositions résultant des négociations menées entre des représentants de l’Archevêché et les responsables du Patriarcat de Moscou. Il indique qu’est prévu ensuite un café, puis un retour pour une courte discussion et un vote après le déjeuner. Les participants demandent un temps de discussion plus long avant d’avoir à décider. Mgr Jean propose d’annuler la pause-café, ce qui est accepté.
Les règles d’interventions pour le débat sont présentées de la façon suivante : Tout le monde doit s’inscrire à l’avance, les intervenants sont appelés à tour de rôle, le temps de parole est de 5mn exactement. Pas de questions ni de discussions. Le modérateur désigné par Mgr Jean est M. le professeur Jean-Claude Polet.
Il y a eu beaucoup d’intervenants (autour de 25, peut-être même un peu plus). Les thèmes abordés étaient de quatre ordres :
- Beaucoup d’intervenants ont exposé les raisons pour lesquelles ils pensaient que la proposition contenue dans le document envoyé pour le Patriarcat de Moscou par le métropolite Antoine de Chersonèse, daté du 18 août 2019, n’était pas acceptable ou était prématurée.
- Quelques intervenants sont intervenus pour exprimer leur attachement à Mgr Jean et la confiance qu’ils avaient dans son choix et qu’il fallait lui obéir parce que c’était l’évêque.
- Certains ont estimé qu’il fallait continuer les négociations avec Moscou et améliorer encore le texte, mais aussi dans le même temps reprendre les contacts avec d’autres Eglises (Patriarcat de Constantinople, Patriarcat de Roumanie) qui n’ont pas définitivement fermé toutes perspectives à l’Archevêché. Une personne a demandé que dans le document du Patriarcat de Moscou une modification soit introduite dans le mode d’élection des évêques afin de nous donner une totale autonomie de choix, une autre a demandé à ce que soit demandé la restitution des églises que le Patriarcat de Moscou a pris à l’Archevêché ces vingt dernières années. Ces suggestions ont été rejetées, le texte ne peut pas être modifié, car il est le résultat d’un accord après négociation et il n’est pas concevable de revenir dessus.
- L’archiprêtre Jean Gueit a parlé en dernier pour répondre aux divers arguments exposés contre les propositions contenues dans le document du Patriarcat de Moscou (il a désigné ce document sous le terme de « charte », en russe « gramata », l’équivalent d’un « tomos » en grec, a-t-il dit), des critiques qui insistaient sur les risques que cette charte faisait prendre à la pérennité de l’archevêché, son indépendance et son mode de vie. Il explique qu’au contraire la « gramata » proposée par Moscou ne fait que consolider ce que l’Archevêché avait déjà dans le précédent « tomos » de Constantinople, et que même sur certains points (élection des évêques) ce document va plus loin et donc donne plus d’autonomie.
Vers 13h30 a lieu la pause déjeuner, pendant laquelle des échanges ont pu avoir lieu entre les délégués.
A 14h30 l’Assemblée a repris son travail avec la procédure de scrutin. Mgr Jean annonce que le vote va se dérouler de la façon suivante. Lors de la dernière réunion du Conseil diocésain, le 29 août 2019, les membres du Conseil ont voté sur trois points : 1) suivre les décisions de Constantinople ; 2) accepter le document du Patriarcat de Moscou ; 3 ) engager une réflexion sur les propositions récemment diffusées par l’archiprêtre Georges Aschkoff pour une refonte de l’Archevêché. Un bulletin de vote a été préparé avec ces trois propositions et il faudra en barrer deux de sorte à n’en retenir qu’une seule. Mais, précise encore Mgr Jean, depuis cette réunion du Conseil diocésain, des changements ont eu lieu : Constantinople a tenté un coup de force le 30 août et le père Ashkoff a retiré son texte de proposition. Dans ces conditions, il n’y a plus qu’un seul choix possible, celui de Moscou. Des délégués s’interrogent sur la légitimité de voter avec un tel bulletin de vote, plusieurs membres du Conseil diocésain prennent la parole pour dire que le dernier Conseil n’a absolument pas décidé de la forme qu’aurait le bulletin de vote à l’AGE. L’archiprêtre Jean Gueit intervient alors pour dire qu’un autre bulletin de vote a été également préparé et que celui-là ne contient que la seule question suivante (en trois langues : français, anglais, russe) : « Acceptez-vous l’acte de rattachement canonique de l’Archevêché au Patriarcat de Moscou tel qu’il est présenté dans le document publié ?  Oui  Non ».
Il demande si l’assemblée est d’accord avec cette formulation. Un vote à main levée a lieu et donne son approbation.
Après la procédure de vote, à bulletin secret, cette fois, sur la question telle que formulée ci-dessus, les résultats sont : votants = 186, bulletin blanc = 6, bulletin nul = 1, suffrages exprimés = 179, oui = 104 voix (58,1 %), non = 75 voix (41,9 %)
Les 2/3 des suffrages exprimés, nécessaires selon les statuts pour une prise de décision en Assemblée Générale Extraordinaire, ne sont donc pas atteints. Il est annoncé officiellement que la proposition est rejetée par l’assemblée.
A ce moment, Mgr Jean se lève et déclare que, de toute façon, puisque plus de 50 % des suffrages exprimés ont voté « Oui », il va dès ce soir demander son rattachement et celui de l’Archevêché au Patriarcat de Moscou et que les paroisses qui le désirent n’ont qu’à le suivre. Il ajoute que, dès demain, il commémorera le patriarche Cyrille de Moscou et réunira une nouvelle AGE pour modifier les statuts de l’Archevêché afin d’y introduire le rattachement à la juridiction de Moscou. En effet, précise-t-il, comme il a reçu du patriarche Bartholomée une lettre de congé, il est aujourd’hui dans un vide canonique et il ne peut pas rester en dehors d’une Eglise canonique, il doit donc immédiatement rejoindre un Patriarcat.
Une discussion d’ordre juridique s’engage, avec des interventions allant dans des sens souvent résolument opposés. Des intervenants expliquent que Mgr Jean ne peut juridiquement pas aller contre la décision de l’assemblée qui est souveraine et qui a respecté les statuts, d’autres s’étonnent que la position de Mgr Jean a changé entre le matin, où il disait que la lettre de congé de Constantinople n’avait aucune valeur puisqu’il ne l’avait pas demandée et qu’il était toujours dans l’obédience de Constantinople, et maintenant, où il dit qu’avec cette lettre il peut quitter la juridiction de Constantinople pour rejoindre celle de Moscou.
D’autres intervenants soutiennent Mgr Jean dans sa démarche, considérant qu’en sa qualité d’évêque diocésain, il a le droit de décider et que le clergé et les paroisses doivent le suivre. D’autres indiquent que Mgr Jean est, d’après les statuts, en droit de convoquer une nouvelle AGE dans les trois mois et qu’alors il faut une majorité des 4/5° pour rejeter la proposition formulée par l’archevêque, dans le cas contraire elle est adoptée. Un participant au débat intervient pour souligner que l’article 1 des statuts civils de l’Union directrice des associations cultuelles indique clairement que l’Union directrice est régie par les normes ecclésiologiques et canoniques de l’Eglise orthodoxe et que ces dernières reposent sur la structure hiérarchique de l’Eglise et sur l’autorité épiscopale dans l’Eglise.
Au bout d’un certain temps, Mgr Jean se lève pour interrompre ces discussions et annoncer que, dans ces conditions, il prend sa retraite. Il retourne ensuite s’asseoir. Les interventions se poursuivent quant aux suites à donner après le vote de l’AGE, d’une part, et, d’autre, sur ce qu’il est licite ou non de faire en fonction des statuts et de la validité ou non des récentes décisions du Patriarcat de Constantinople.
Mgr Jean revient alors à la tribune et annonce qu’étant donné l’heure tardive l’assemblée doit se terminer, car un office des Dominicains doit bientôt commencer dans l’église. Il déclare que pour que les clercs puissent célébrer la liturgie du lendemain, dimanche, il décide de surseoir toute décision pour l’instant et qu’il va commémorer le patriarche Bartholomée à la liturgie dimanche, mais que dès lundi il prendra conseil auprès de ses proches et décidera de la suite à donner. L’assemblée est levée à 18 h.
Les délégués de la Paroisse, clercs et laïcs

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